Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 6 juillet 2021, n° 21/00194

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 8, 6 juill. 2021, n° 21/00194
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/00194
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 9 décembre 2019, N° 18/08388
Dispositif : Renvoi à la mise en état

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 06 JUILLET 2021

(n° 2021 / 131 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00194 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDGC2

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 08 février 2021 – RG 20/05943

Jugement du 10 Décembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 18/08388

DEMANDEUR AU DÉFÉRÉ

Monsieur Z X

[…]

[…]

né le […] à […]

Représenté par Me Stephen CHAUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1235

Assisté par Me Antoine CHRISTIN du cabinet SALMON et CHRISTIN ASSOCIES, avocat au barreau de NANTERRE

DEFENDEUR AU DÉFÉRÉ

M. A.F.-MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

N°SIRET 784 647 349 00074

[…]

[…]

Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et M. Julien SENEL, conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Véronique BOST, Conseillère

M. Julien SENEL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE

ARRÊT : Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

M. Z X est propriétaire non occupant d’un appartement dépendant d’un immeuble, […], situé à Thonon-Les-Bains (74200).

Par courrier en date du 24 novembre 2014, il a effectué auprès de la MAF Assurances, assureur dommages-ouvrage, une déclaration de sinistre concernant des infiltrations d’eau dans son appartement depuis octobre 2013.

M. X a expliqué qu’il y avait "des fissures de bacs de douches constatées par expert sur la résidence« , et plus particulièrement dans l’appartement du dessus, appartenant à M. Y (lot n°57), et des infiltrations d’eau dans son propre logement depuis un an (octobre 2013), qui n’était pas louable en l’état. Il a en conséquence demandé à l’assureur dommages-ouvrage une indemnisation pour le coût des travaux de réparation et pour la perte de loyers à compter du jour suivant le départ de sa précédente locataire, soit le 27 août 2014 (74,98 euros), sur la base d’un loyer mensuel de 464,86 euros charges comprises, jusqu’à »réparation du bac à douche du dessus puis travaux". Il a enfin indiqué les coordonnées de son gestionnaire de patrimoine et gestionnaire locatif, la société Colisée Finance.

Missionnée par la MAF dans le cadre de la convention de règlement des sinistres entre assureurs, pour examiner les désordres mentionnés dans la déclaration de sinistre, la société Rhône Alpes Savoies Expertises (RASE) a dressé au contradictoire notamment du cabinet DODINE, représentant le gestionnaire de l’appartement de M. X, et du syndic, un rapport préliminaire le 29 décembre 2014, au terme duquel le désordre constaté était le suivant : "coulée d’eau par gouttes à partir d’une fissure en sous-face de la dalle haute de l’appartement n°407". L’expert a relaté plusieurs hypothèses de cause du désordre constaté, en précisant que l’accès à l’appartement de M. Y, qui n’avait pas été possible, s’avérait indispensable pour permettre d’identifier la cause du désordre.

La société RASE a ensuite dressé une note technique n°1 le 05 février 2015, à la suite d’investigations menées le 30 janvier 2015 dans l’appartement de M. Y, loué et géré par la société Loft One pour le compte du propriétaire. Afin de rechercher les causes des fissurations du receveur de douche (pouvant être infiltrant) et des carreaux de faïence sur le mur béton (infiltrante) constatées dans cet appartement, l’expert amiable a détruit le receveur de douche de l’appartement du dessous, appartenant à M. X, parce qu’il était alors inoccupé.

L’expert amiable a conclu sa note technique en relevant que les dommages en plafond de l’appartement n°407 étaient dus à l’encombrement des dispositifs d’évacuation des eaux pluviales du balcon de l’appartement n°507 situé au-dessus, le maintien en bon état de ces dispositifs d’évacuation relevant de l’entretien. Il estime notamment que "la fissuration du receveur de douche et des carreaux de faïence dans la salle de bains de l’appartement 507 présente un caractère infiltrant, mais d’intensité très limitée. Il n’y a pas de charge hydrostatique possible dans le voisinage du receveur, qui permettrait une alimentation quasi permanente d’eau sur la dalle. La quantité d’eau consommée lors d’une douche n’est pas suffisante pour conduire à un tel niveau de saturation de la dalle. De plus quand bien même les fissures du receveur et des carreaux de faïence sont infiltrantes, la quantité d’eau cheminant à travers ces fissures est minime".

Par courrier du 30 avril 2015, l’assureur dommages-ouvrage a notifié à la société Colisée Finance, un refus de garantie concernant le dommage déclaré "traces d’humidité dans le logement de M. X", au motif que ce dommage « trouve son origine exclusive dans une cause extérieure aux opérations de la construction assurée, exonératoire de la responsabilité des constructeurs », le désordre trouvant sa cause « dans un défaut d’entretien des deux pissettes d’évacuation des eaux pluviales du balcon de l’appartement du dessus n°507 », de sorte que les garanties du contrat dommages-ouvrage ne s’appliquent pas. La MAF a néanmoins précisé qu’elle demandait à l’expert de procéder à une mise en observation du désordre.

Par courrier du 26 août 2015, faisant suite aux investigations réalisées le 17 juin 2015 par ATHERM, la MAF a informé la société Colisée Finance de ce que, pour le désordre "infiltrations d’eau dans le logement de M. X provenant de fissures du bac à douche de l’appartement situé au dessus« , »les garanties du contrat dommages-ouvrages ne sont pas acquises« , parce qu’ayant pour origine une cause extérieure aux opérations de la construction assurée, et que »ce désordre relève de l’assureur multirisque habitation qui devra prendre en compte la réparation des conséquences dommageables de l’appartement de M. X".

La MAF a précisé que la facture ATHERM correspondant à la réparation du bac à douche fissuré (2 101 euros) faisant partie d’un dossier connexe, qu’elle devait être réglée par Loft One, gestionnaire de l’appartement 507, qu’elle n’interviendrait pas pour sa part au titre de la perte de loyers demandée, et qu’elle avait réglé les investigations de 1 080 euros TTC à « ISB ».

Suivant courrier en date du 10 décembre 2015, la société Colisée Finance a déclaré à April Partenaires, assureur multirisque habitation de M. X, un sinistre de dégât des eaux concernant l’appartement de M. X.

Par courrier du 15 février 2016, la même société a écrit à la MAF pour lui indiquer que l’assurance de M. X lui demandait de prendre en charge la remise en état du bac cassé lors des investigations et de procéder à l’indemnisation de la perte de loyers qui en découle.

Par courrier du 31 août 2016, l’assureur protection juridique de M. X a mis en demeure la MAF de régler à M. X la somme totale de 6 972,90 euros, au visa "de l’article 1382/1383 du code civil", du fait de la responsabilité de son expert, qui a cassé le bac à douche de M. X lors de ses investigations le 17 juin 2015, au titre de la remise en état de ce bac (446 euros) ainsi que de la perte de loyers en découlant soit 6 508,04 euros (464,86 euros par mois).

Le cabinet CEREC Expertises a établi au contradictoire notamment du syndic de l’agence Dodinet représentant Colisée Finance, de Loft One et de CD Gestion (gestionnaire de l’appartement de M. X), un rapport le 19 décembre 2016 concluant notamment qu’après débouchage des pisserottes d’évacuation du balcon de l’appartement du dessus n°507, les infiltrations d’eau dans le logement de M. X avaient disparu et que le bac à douche de l’appartement n°507 n’était pas à l’origine des infiltrations en plafond du séjour de M. X.

Après ce rapport, la MAF a proposé à la société Colisée Finance une indemnisation de

1 519,10 euros TTC.

Par courrier en date du 24 mai 2017, l’avocat de la société Colisée Finance a écrit à l’assureur dommages-ouvrage pour lui demander, outre sa proposition d’indemnité de

1 519,10 euros couvrant la réparation du receveur, de régler la somme de 13 016,08 euros au titre de la perte de loyers.

Cette correspondance n’a pas eu une suite favorable.

Par acte d’huissier en date du 03 juillet 2017, M. X a fait assigner la MAF devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de condamnation à indemniser ses préjudices.

La MAF a, par conclusions d’incident, soulevé l’incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Nanterre au profit de celui de Paris.

Suivant ordonnance en date du 29 mai 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre a prononcé la radiation de l’affaire, le demandeur ayant indiqué qu’il saisirait le tribunal de grande instance de Paris.

Par acte d’huissier en date du 04 mai 2018, M. X a fait assigner la MAF devant le tribunal de grande instance de Paris avec les mêmes demandes que celles portées devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par décision contradictoire du 10 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

— condamné la MAF à payer à M. X la somme de 1 519,10 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, correspondant au montant des travaux de réfection se rapportant au dommage garanti (comprenant le coût de réparation du receveur de douche détruit par l’expert mandaté par la MAF, dans le cadre de ses investigations du 30 janvier 2015) ;

— rejeté les demandes formées par M. X au titre de la perte de loyers et de dommages et intérêts comme étant non fondées ;

— condamné la MAF aux dépens dont distraction ;

— laissé à chaque partie la charge des frais qu’elle a engagés au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties de leurs autres demandes.

Par déclaration électronique du 07 avril 2020 enregistrée au greffe le 11 mai 2020, M. X a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 02 décembre 2020, M. X a saisi le conseiller de la mise en état au visa des articles 789 et 907 du code de procédure civile, aux fins d’expertise judiciaire avec notamment pour mission confiée à l’expert de donner son avis sur le point de savoir si les désordres allégués sont de nature décennale et si les travaux réalisés par la MAF étaient suffisants pour y mettre un terme.

Par conclusions en réponse sur incident notifiées par RPVA le 14 janvier 2021, la MAF a

demandé au conseiller de la mise en état :

— au visa de l’article L 114-1 du code des assurances, de déclarer irrecevable car prescrite l’action de M. X,

— au visa de l’article 1792-4-1 du code civil, de déclarer forclose l’action de M. X en garantie décennale,

— en tout état de cause, au visa des articles 143 et 789 du code de procédure civile , L 242-1 du code des assurances et 1792 du code civil, de le débouter de sa demande d’expertise en ce qu’elle n’est pas justifiée par un élément nouveau et en tout état de cause infondée,

— à titre infiniment subsidiaire, de lui donner acte de ses protestations et réserves d’usage, et de condamner M. X à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens de l’incident.

Par ordonnance sur incident du 08 février 2021, le magistrat en charge de la mise en état a :

— déclaré irrecevable l’action de M. X ,

— déclaré forclose l’action fondée sur la garantie décennale,

— déclaré sans objet sa demande d’expertise,

— condamné M. X à payer la somme de 1 000 euros à la MAF et aux dépens de cet incident.

Par acte électronique du 02 mars 2021, M. X a déposé une requête de déféré au greffe de la cour d’appel de Paris qui l’a enregistrée le même jour.

Aux termes de cette requête, transmises par voie électronique le 4 mars 2021, M. X demande à la cour au visa des articles 122, 538, 552, 914 et 916 du code de procédure civile, de :

— déclarer recevable sa requête en déféré ;

— infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a :

«  Déclar [é] irrecevable l’action de M. Z X,

Déclar[é] forclose l’action fondée sur la garantie décennale,

Déclar[é] sans objet sa demande d’expertise,

Condamn[é] M. X à payer la somme de 1 000 euros à la MUTUELLE des ARCHITECTES FRANÇAIS,

Condamn[é M. X] aux dépens du présent incident" ;

Puis, statuant à nouveau,

— désigner tel expert judiciaire qu’il plaira avec mission de :

. se rendre sur place ;

. constater les désordres allégués par le demandeur à l’incident dans les présentes conclusions

d’incident et fournir un avis technique sur leur(s) origine(s) et leur(s) cause(s);

. donner son avis sur le point de savoir si les désordres allégués sont de nature décennale et si les travaux réalisés par la MAF étaient suffisants pour y mettre un terme ;

. fournir tous éléments techniques et de faits de nature à permettre à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues ;

. donner son avis sur la pertinence et le coût des devis de remise en état qui lui seraient communiqués par les parties ;

. décrire éventuellement les travaux nécessaires à la réfection et chiffrer le coût des remises en état ;

. évaluer, s’il y a lieu, tous les préjudices subis par le demandeur à l’incident ;

. en cas d’urgence reconnue par l’expert, autoriser M. X à faire exécuter à ses frais avancés les travaux estimés indispensables par l’expert ; dire qu’en cette hypothèse, les travaux seront dirigés par le maître d''uvre et les entreprises qualifiées de son choix, sous le contrôle de bonne fin de l’expert ;

. autoriser l’expert à recueillir les déclarations de toute personne informée et, en cas de besoin, à s’adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts du tribunal;

. dire que l’expert déposera son rapport au greffe de la cour dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine ;

. fixer la somme à consigner au greffe à titre d’avance à valoir sur les frais d’expertise ;

— débouter la MAF de l’ensemble de ses prétentions ;

— condamner la MAF à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de contribution à ses frais irrépétibles outre les entiers dépens du présent déféré et de l’incident qui l’a précédé.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 4 mars 2021, la MAF demande à la cour au visa des articles 143 et suivants et 789 5° du code de procédure civile, L 242-1 du code des assurances et 1792 du code civil ;

— dire M. X non fondé en son déféré ;

— confirmer l’ordonnance déférée ;

— débouter M. X de sa demande d’expertise en ce qu’elle est infondée.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande de :

— lui donner acte de ses protestations et réserves d’usage ;

— condamner M. X à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens dont distraction.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la recevabilité de la requête en déféré

Il n’est pas contesté que la requête a été présentée conformément aux dispositions de l’article 916 du code de procédure civile, de sorte qu’elle est recevable.

2) Sur la prescription

Vu les articles 789 et 907 du code de procédure civile, L.114-1 du code des assurances, 2240 et 2241 du code civil ;

La cour constate que ce moyen est par ailleurs soulevé en défense par la MAF dans ses conclusions notifiées le 15 septembre 2020, outre l’irrecevabilité des prétentions présentées comme nouvelles, de l’appelant.

Aux termes de l’article 123 du code de procédure civile dans ses dispositions issues du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, "à moins qu’il n’en soit disposé autrement"; à cet égard, l’article 789 du même code modifié par le décret n°2019-1333 en dispose autrement puisqu’il est ainsi rédigé :

"Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de tout autre formation du tribunal pour : [']

6° Statuer sur les fins de non-recevoir".

Conformément à l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2020 et sont, dès lors, applicables aux instances en cours à cette date. Par dérogation, les dispositions des 3° et 6° de l’article 789 qui résultent du décret précité sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

En l’espèce, la déclaration d’appel a été introduite devant la cour le 07 avril 2020 et enregistrée le 11 mai 2020, soit postérieurement au 1er janvier 2020 de sorte que les disposions des 3° et 6° de l’article 789 qui résultent du décret précité lui sont applicables.

Il résulte des dispositions combinées des articles 123,789 et 907 du code de procédure civile ainsi que du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, notamment de son article 55, que le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur une fin de non-recevoir dans le cadre de ses pouvoirs.

Le conseiller de la mise en état était ainsi compétent pour statuer sur ce point, ce qui n’est du reste pas contesté. Il appartiendra en revanche le cas échéant aux parties d’adapter leurs conclusions récapitulatives au fond sur ce point, ce moyen n’ayant plus vocation à être soutenu devant la cour.

Il est par ailleurs constant que :

— au terme de ses dernières conclusions du 14 mars 2019 devant le tribunal, M. X a sollicité au visa des seuls articles 1240 à 1242 du code civil, la mise en cause de la responsabilité de la MAF à raison de la faute commise par son expert pour avoir détruit le receveur de douche de son propre appartement, alors vide de tout occupant, dans le but de rechercher les causes des fissurations du receveur et des carreaux de faïence de l’appartement situé au dessus du sien, afin de vérifier si cela pouvait être la cause du désordre déclaré, consistant en une "coulée d’eau par gouttes à partir d’une fissure en sous-face de la dalle haute de l’appartement n°407",

— les demandes en cause d’appel de M. X, qui a depuis changé de conseil, sont fondées pour la première fois dans des conclusions du 29 juin 2020 sur l’article L 242-1 du code des assurances, concernant l’assurance dommages-ouvrage obligatoire que le maître d’ouvrage est tenu de souscrire pour garantir le paiement des travaux en dehors de toutes recherches de responsabilité. M.

X y explique qu’il a "rectifié le fondement juridique de son action afin de faire juger que la perte de loyers subie depuis le 26 août 2014 est exclusivement imputable à la MAF", qui a manqué à plusieurs reprises à son obligation de préfinancement de travaux efficaces.

Il recherche désormais la responsabilité de la MAF en exposant que le fait que la mauvaise exécution de ses obligations par l’assureur qui a défini et financé des travaux inadaptés est directement à l’origine du dommage immatériel (trouble de jouissance) subi par l’assuré, qui peut obtenir la réparation intégrale de son préjudice, quelle qu’en soit la nature.

Les dispositions de l’article L. 242-1 précité ne privent pas l’assureur de la possibilité d’invoquer la prescription biennale qui a commencé à courir à compter de l’expiration du délai de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre ou à compter de la notification simultanée du rapport et de la position sur la garantie.

La MAF soutient que M. X a agi en justice plus de deux ans après le refus de garantie qu’elle lui a opposé et que son action est donc irrecevable parce que prescrite, en l’absence d’interruption de cette prescription, le courrier du 6 janvier 2017 invoqué par l’appelant ne valant pas reconnaissance du droit à indemnisation parce qu’il ne modifiait pas sa position.

C’est vainement que M. X conteste cette analyse en répliquant que la MAF a reconnu son droit à indemnisation par courrier du 6 janvier 2017, interrompant de ce fait la prescription.

En effet, la déclaration de sinistre date du 24 novembre 2014 et le rapport préliminaire d’expertise date du 29 décembre 2014.

Comme rappelé ci-dessus, la MAF a refusé sa garantie pour ce qui concerne le désordre « traces d’humidité dans le logement de M. X » et "infiltrations d’eau dans le logement de M. X provenant de fissures du bac à douche de l’appartement situé au dessus, lot n°507« , par deux courriers successifs, en date du 30 avril 2015 ( »les garanties du contrat dommages-ouvrages ne sont pas applicables« ) et 26 août 2015 ( »les garanties du contrat dommages-ouvrages ne sont pas acquises« , »ce désordre relève de l’assureur multirisque habitation qui devra prendre en compte la réparation des conséquences dommageables de l’appartement de M. X").

La MAF a alors expliqué son refus de garantie pour ce sinistre par le fait que "ce désordre trouve sa cause dans un défaut d’entretien des deux pissettes d’évacuation des eaux pluviales du balcon de l’appartement du dessus n°507« , ce qui constitue une »cause extérieure aux opérations de la construction assurée".

La MAF a pris le soin de préciser dans son courrier du 26 août 2015 que la facture ATHERM de 2101 euros correspondant à la réparation du bac à douche fissuré, faisait partie d’un dossier connexe, qu’il appartenait au gestionnaire de l’appartement 507 de la régler, et que pour sa part elle n’interviendrait pas au titre de la perte de loyers demandée.

Par courrier du 15 février 2016, le gestionnaire de patrimoine de M. X a relancé la MAF afin de prendre en charge la remise en état du bac cassé lors des investigations et de procéder à l’indemnisation de la perte de loyers à partir du 17 juin 2015 qui en découle, pour un montant mensuel de 464,86 euros charges comprises.

Par courrier du 31 août 2016, l’assurance de protection juridique de M. X a réitéré la demande en la chiffrant, par erreur, à 446 euros concernant la remise en état du bac cassé et à 464,86 euros par mois x 14 mois = 6.508,04 euros pour la perte de loyers.

Par courrier du 06 janvier 2017, adressé à Colisée Finance, gestionnaire de l’appartement de M. X, la MAF se réfère clairement au contrat dommages-ouvrage pour proposer de régler la somme de 1 519,10 euros TTC, sur un total de 2 599,10 euros TTC comprenant la réparation du bac à douche (1 079,10 euros TTC, selon devis du 16 mai 2015 de l’entreprise F2C) et ses " conséquence" (440 euros TTC), déduction faite des frais d’investigations directement réglés par elle (facture du 30 janvier 2015 de l’entreprise ISB de 1 080 euros TTC).

Sauf à dénaturer les termes clairs et précis de ces échanges de courriers et en particulier celui de la MAF du 6 janvier 2017, il apparaît que celle-ci n’est pas revenue sur sa position de non garantie au titre de l’assurance dommages-ouvrage, concernant tant les désordres concernant les infiltrations d’eau dans le logement de M. X initialement attribués à des fissures du bac à douche de l’appartement situé au dessus, lot n°507, que la perte de loyers subséquente invoquée par M. X pour son propre appartement.

En effet, la MAF n’a fait que proposer de régler la réparation du bac à douche cassé par son propre expert, lors de ses investigations, réparation évaluée selon devis du 16 mai 2015.

Comme le souligne la MAF, il n’est nullement fait état d’une proposition d’indemnité pour la perte de loyers dans ce courrier.

La cour ajoute que le fait que la MAF propose d’indemniser un poste dénommé lapidairement « conséquence » sans autre précision qu’une référence imprécise à une "estimation à dire d’expert" qui ne ressort d’ailleurs d’aucun des rapports versés au débat, est équivoque et ne saurait dès lors valoir reconnaissance expresse et explicite dans un tel contexte de la garantie au titre de la perte de loyers, ce poste, certes proche du montant d’un mois de loyer, pouvant tout aussi bien être une indemnisation forfaitaire du trouble de jouissance subi du fait de l’impossibilité de mettre à la location l’appartement durant le temps d’effectuer les travaux, envisageable raisonnablement, au vu du devis produit, sur une durée d’un mois.

Il en résulte que ce courrier ne vaut pas reconnaissance du droit à indemnisation revendiqué, et n’a en conséquence pas interrompu la prescription biennale soulevée en défense.

L’action de M. X en responsabilité de la MAF, dont il n’est pas contesté qu’elle est soumise à la prescription biennale soulevée parce que découlant d’un contrat d’assurance, est ainsi prescrite.

3) Sur la forclusion de l’action en responsabilité décennale

Vu les articles 1792-4-1 du Code civil, 1er I et 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020

La MAF soulève en outre la forclusion de l’action en responsabilité décennale invoquée par M. X en expliquant qu’aucune interruption du délai n’est survenue depuis la réception des travaux, prononcée le 30 mars 2010, tandis que M. X réplique que son action n’est pas forclose, ses conclusions ayant été signifiées le 29 juin 2020, soit dans le délai tel que prolongé par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020.

La réception des travaux, qui concerne le maître d’ouvrage et les locateurs d’ouvrage, a été prononcée le 31 mars 2010, et non le 14 avril 2010 comme l’indique par erreur M. X, en visant le procès-verbal de réception intervenu entre lui et le promoteur.

Le délai de forclusion de l’article 1792-4-1 du code civil devait donc théoriquement expirer le 14 avril 2020.

Toutefois, l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 a prorogé les délais de forclusion expirant entre le 12 mars et le 23 juin 2020 au 23 août 2020.

Or, M. X a signifié ses premières conclusions d’appelant par lesquelles il a modifié le

fondement juridique de son action en invoquant désormais la responsabilité décennale, le 29 juin 2020, pour obtenir la condamnation de la MAF à l’indemniser de la perte de loyers et de son préjudice matériel.

Il en résulte que l’action de M. X, désormais fondée sur la responsabilité décennale, n’est pas forclose.

L’ordonnance déférée sera ainsi infirmée sur ce point.

4) Sur la demande d’expertise judiciaire

Vu les articles 144, 789 et 907 du code de procédure civile ;

M. X estime que sa demande d’expertise est recevable, en ce qu’elle peut être présentée même pour la première fois en cause d’appel, et bien fondée parce qu’il s’agit de définir sur qui repose la charge des travaux, de nature décennale. Il indique que l’issue du litige dépend de la question de savoir si la fissure en sous-dalle de son appartement est une cause d’un dommage de nature décennale.

Il souligne que la Cour de cassation a jugé dans son arrêt rendu le 14 mai 2020 que le juge ne pouvait se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence de celles-ci, comme c’est en l’espèce le cas des expertises produites par la MAF.

La MAF s’y oppose en l’absence d’élément nouveau et de motif légitime, en exposant que l’expertise dommages-ouvrage, qui a été réalisée dans le cadre de l’obligation résultant de la déclaration de sinistre, a permis de constater que toutes les auréoles étaient sèches et qu’il n’existait plus aucune humidité depuis le nettoyage des évacuations d’eaux pluviales du balcon supérieur.

Elle souligne que M. X n’a jamais contesté le fait que les infiltrations d’eau provenaient d’une cause extérieure, à savoir l’absence d’entretien des évacuations des eaux pluviales du voisin situé au-dessus de son appartement, M. X sollicitant alors uniquement l’indemnisation d’une perte de loyers, du fait de la destruction du bac à douche de sa salle de bains.

La MAF estime qu’une expertise ne peut porter que sur une réclamation qui est constituée d’un dommage déclaré, qu’elle ignore en l’état quel serait le dommage que M. X souhaite voir expertiser et qu’une expertise ne saurait suppléer la carence de M. X dans l’administration de la preuve, qui lui incombe. Subsidiairement, elle formule les protestations et réserves d’usage.

SUR CE,

Aux termes des dispositions de l’article 144 du code de procédure civile, les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.

La preuve incombant à celui qui avance la réalité d’un fait, l’expertise ne saurait avoir pour but de compenser la carence de celui-ci mais doit viser à éclairer le juge sur les éléments du dossier qui lui paraîtraient incomplets pour lui permettre d’assumer son office.

En l’espèce, compte tenu d’une part de la prescription de l’action engagée par M. X, et d’autre part du fait que l’expertise n’a pas pour but de pallier les carences d’une partie dans l’administration de la preuve, le bien fondé de la mesure sollicitée n’apparaît en l’état de la procédure et des pièces produites pas établi.

L’examen du moyen développé à titre subsidiaire à ce sujet par la MAF est dès lors sans objet.

La demande d’expertise est ainsi rejetée.

5) Sur les mesures accessoires à la décision

Pour des motifs d’équité, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’une ou l’autre des parties, qui seront déboutées de leur demande respective formée de ce chef.

L’ordonnance déférée sera infirmée en ce en ce qu’elle a condamné M. X à payer à la MAF la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de cet incident.

Chacune d’entre elle supportera la charge des dépens par elle engagés dans le cadre de l’incident et du présent déféré.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par décision contradictoire, mise à disposition des parties au greffe ;

Déclare la requête en déféré recevable ;

Confirme l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré l’action de M. X, dérivant du contrat d’assurance, prescrite ;

L’infirme pour le surplus, et statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Rejette le moyen tiré de la forclusion de l’action fondée sur la responsabilité décennale ;

Déboute M. X de sa demande d’expertise judiciaire ;

Rejette les demandes formulées en application de l’article 700 du code de procédure civile;

Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens par elle engagés dans le cadre de l’incident objet de l’ordonnance rendue le 08 février 2021 par le conseiller de la mise en état et du présent déféré ;

Renvoie l’affaire à la mise en état du 02 novembre 2021 pour clôture, les parties devant conclure récapitulativement selon le calendrier suivant : avant le 13 septembre 2021 pour l’appelant et le 25 octobre 2021 pour l’intimée.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 6 juillet 2021, n° 21/00194