Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 23 août 2019, n° 19/13434

  • Formation·
  • Étudiant·
  • Enseignement supérieur·
  • Établissement d'enseignement·
  • Diplôme·
  • Sociétés·
  • Agrément·
  • Education·
  • Santé·
  • Pharmacie

Chronologie de l’affaire

Commentaires2

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

blog.landot-avocats.net · 8 juin 2022

En France, un diplôme universitaire ne peut être conféré que par un établissement agréé par l'Etat. Donc (sous quelques réserves propres aux licences professionnelles et à la validation des acquis de l'expérience — VAE), vient de poser le Conseil d'Etat, il est illégal de faire dépendre un tel diplôme d'une certification privée qui serait conférée hors agrément de l'Etat. Le Conseil d'Etat vient de rappeler que : seuls les établissements accrédités par l'Etat peuvent délivrer les diplômes nationaux conduisant à l'obtention de grades ou de titres universitaires, tels ceux énumérés à …

 

blog.landot-avocats.net · 14 décembre 2021

Une formation supérieure privée NON diplômante, même en matière de santé, doit certes donner lieu à déclaration dans les conditions des articles L. 731-1 et suivants du code de l'éducation (et le rectorat doit en donner récépissé si les conditions en sont réunies)… mais pas à l'agrément interministériel propre aux études de santé fixé par l'article L. 731-6-1 de ce même code. En clair : pour une telle formation non diplomante (soutien à la préparation d'épreuves universitaires donnant accès aux différentes filières d'études de santé), touchant pourtant aux professions de santé, l'Etat ne …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 1, 23 août 2019, n° 19/13434
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/13434
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 30 juin 2019, N° 19/05923
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 1

ARRÊT DU 23 AOÛT 2019

(n° 2019-505, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/13434 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAH7Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 19/05923

APPELANTES

COLLEGE NATIONAL D’AUDIOPROTHESE – CNA agissant poursuites et diligences en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège sis

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

et pour avocat plaidant Me Stanley MITON, avocat au barreau de LYON

UNSAF – SYNDICAT NATIONAL DES AUDIOPROTHESISTES agissant poursuites et diligences en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège sis

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

et pour avocat plaidant Me Stanley MITON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE

SARL PROGRESS SUP, ayant son siège social

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Nil SYMCHOWICZ de la SELARL SYMCHOWICZ-WEISSBERG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R254

et pour avocat plaidant Me Hélène HUBERT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 et du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Août 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MOLLARD, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MOLLARD, Président de chambre, Président

Mme Pascale MARTIN, Président de chambre

Mme Catherine BRUNET, Président de chambre

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Philippe MOLLARD, Président de chambre et par Mme Emilie POMPON, Greffier présent lors de la mise à disposition.

Vu le jugement numéro RG 19/05923 du tribunal de grande instance de Paris en date du 1er juillet 2019 ;

Vu la déclaration d’appel du syndicat UNSAF ' Syndicat national des audioprothésistes et de l’Association Collège national d’audioprothèse en date du 19 juillet 2019, enregistrée au greffe de la cour d’appel le 24 juillet 2019 ;

Vu la requête aux fins d’être autorisés à assigner l’intimée à jour fixe, déposée au greffe de la cour d’appel le 24 juillet 2019 ;

Vu l’ordonnance du délégué du premier président en date du 24 juillet 2019 autorisant à assigner à jour fixe ;

Vu l’assignation pour plaider à jour fixe signifiée à la société Progress Sup le 31 juillet 2019 ;

Vu le mémoire à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité et les conclusions d’appel en réponse de la société Progress Sup ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 19 août 2019 le conseils des appelants et celui de l’intimée ;

FAITS ET PROCÉDURE

L’Universidad Europea de Madrid (ci-après l’ 'UEM') est un établissement d’enseignement privé espagnol. Elle dispense notamment une formation d’audioprothésiste de deux années sanctionnée par un diplôme espagnol de 'technico superior en audiologica protesica' (audioprothésiste), lequel est

susceptible de faire l’objet d’une équivalence dans l’ensemble des pays de l’Union européenne.

Dans le cadre de cette formation, l’UEM propose, à destination des professionnels en voie de reconversion, un cursus dit 'semi-présentiel' :

' les cours théoriques sont mis à disposition des étudiants sur une plateforme d’enseignement à distance, dispensant ces derniers d’avoir à se déplacer dans les locaux de l’UEM ; cette même plateforme sert aux étudiants à remettre les exercices écrits qu’ils sont tenus de rendre ;

' à raison de sept week-ends par an, des enseignements pratiques sont organisés en Espagne par l’UEM, la présence physique des étudiants y étant obligatoire ;

' une session d’examen est organisée à la fin de l’année, dans les locaux de l’UEM, afin de sanctionner les enseignements théoriques et pratiques dispensés tout au long de l’année.

La société Progress Sup, établissement d’enseignement privé de droit français, a noué un partenariat exclusif avec l’UEM dans le cadre duquel elle promeut, en France, la formation d’audioprothésiste proposée par cette dernière en mode semi-présentiel.

La société Progress Sup propose un programme dit 'AudioPro' permettant d’encadrer les étudiants inscrits en mode semi-présentiel à l’UEM. Cette formation consiste en une journée par semaine au sein de l’établissement Progress Santé, situé dans le Xe arrondissement de Paris, de la société Progress Sup.

Par acte d’huissier du 17 mai 2019, le syndicat UNSAF ' Syndicat national des audioprothésistes (ci-après l’ 'UNSAF') et l’Association Collège national d’audioprothèse (ci-après le 'CNA') ont assigné la société Progress Sup devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de :

' ordonner la fermeture de la formation d’audioprothésiste AudioPro dispensée par la société Progress Sup en tout lieu du territoire national sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

' condamner la société Progress Sup à publier à ses frais le dispositif du jugement à intervenir :

' sur son site internet pendant une durée de deux mois à compter de la date de ce jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

' dans les journaux L’Etudiant, Le Parisien et Les Echos, dans un délai de deux semaines à compter de la signification dudit jugement ;

' dire qu’à défaut de publication, l’UNSAF et le CNA pourront y pourvoir, avec remboursement des frais de publication par la société Progress Sup ;

' condamner la société Progress Sup à payer à chacune des demanderesses la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

' ordonner l’exécution provisoire ;

' en cas d’exécution forcée du jugement à intervenir, condamner la société Progress Sup à payer aux demanderesses une indemnité équivalente au droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’huissier instrumentaire au titre de l’article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d’encaissement mis à la charge des créanciers, dans sa version résultant du décret n° 01-212 du 8 mars 2001 ;

' condamner la société Progress Sup aux entiers dépens.

Devant le tribunal, l’UNSAF et le CNA ont fait valoir que la société Progress Sup faisait la promotion du programme AudioPro, présenté comme une formation destinée aux professionnels et permettant d’encadrer les étudiants inscrits à l’UEM en mode semi-présentiel.

Ils en ont conclu que la défenderesse dispensait, sans agrément ministériel, une formation d’audioprothésiste en France et violait l’article L. 731-1 du code de l’éducation.

Par jugement n° RG 19/05923 en date du 1er juillet 2019, le tribunal a rejeté le recours.

Il a constaté qu’aux termes de l’article L. 731-1 du code de l’éducation, la fourniture de cours en France en vue de l’obtention d’un diplôme étranger dans le domaine paramédical nécessite un agrément conjoint préalable des ministre de la santé et de l’enseignement supérieur.

Il a toutefois considéré qu’en l’espèce, il n’était pas établi par les demandeurs que la mission assurée par la société Progress Sup excéderait l’organisation de simples cours de soutien détachés de la formation proposée par l’UEM, de sorte que la preuve n’était pas rapportée que la défenderesse avait une activité de formation aboutissant à la délivrance d’un diplôme dans le domaine paramédical.

Par déclaration du 23 juillet 2019, enregistrée sous le numéro RG 19/15557, l’UNSAF et le CNA ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 24 juillet 2019, le délégué de Mme le premier président de la cour d’appel de Paris les a, en application de l’article 917 du code de procédure civile, autorisés à assigner la société Progress Sup à jour fixe devant la cour d’appel.

Par acte d’huissier en date du 31 juillet 2019, l’UNSAF et le CNA ont donc assigné la société Progress Sup à l’audience du 19 août 2019 aux fins de :

' réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

' ordonner la fermeture de la formation AudioPro dispensée par l’établissement Progress Santé, sis à Paris, pour son activité de formation d’audioprothésistes ainsi qu’en tout autre lieu du territoire français, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

' condamner la société Progress Sup à publier à ses frais le dispositif de l’arrêt à intervenir :

' en haut de la page d’accueil de son site internet, en caractères apparents de police 14, pendant une durée de deux mois à compter de la date de cet arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

' dans les journaux L’Etudiant, Le Parisien et Les Echos, dans un délai de deux semaines à compter de la signification dudit arrêt ;

' dire qu’à défaut de publication, l’UNSAF et le CNA pourront y pourvoir, avec remboursement des frais de publication par la société Progress Sup ;

' condamner la société Progress Sup à payer à chacun des demandeurs la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

' en cas d’exécution forcée du jugement à intervenir, condamner la société Progress Sup à payer aux demandeurs une indemnité équivalente au droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’huissier instrumentaire au titre de l’article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant

fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d’encaissement mis à la charge des créanciers, dans sa version résultant du décret n° 01-212 du 8 mars 2001 ;

' condamner la société Progress Sup aux entiers dépens.

Les appelants soutiennent en substance qu’au travers de son offre AudioPro, la société Progress Sup dispense des enseignements relatifs à l’audioprothèse et que, dès lors, elle devrait détenir l’agrément ministériel exigé par l’article L. 731-1 du code de l’éducation.

A cet égard, les appelants soutiennent qu’il est indifférent que la société Progress Sup ne délivre pas elle-même de diplôme d’audioprothésiste ou que la formation qu’elle dispense ne constitue pas une formation complète donnant lieu à diplôme.

En réponse à l’argument de la société Progress Sup selon lequel elle se bornerait à donner de 'simples cours de soutien' à des étudiants inscrits dans la formation d’audioprothésiste dispensée par l’UEM, les appelants font valoir, d’une part, que les articles L. 731-1 et suivants du code de l’éducation n’opèrent aucune distinction ni ne reconnaissent d’exception pour les 'cours de soutien'.

D’autre part, et en toute hypothèse, les liens entre l’UEM et la société Progress Sup conduisent, selon les appelants, à écarter la qualification de 'simples cours de soutien'. Ils font valoir à cet égard que, dans les documents de présentation de son offre 'AudioPro', la société Progress Sup emploie elle-même le terme de 'formation', se présente comme l’organisatrice d’une formation diplômante à part entière, se prévaut d’un étroit partenariat avec l’UEM, en indiquant être liée à cet établissement par une convention de partenariat exclusif et avoir été choisie par ce dernier 'pour sa qualité pédagogique', explique que les deux établissements procède à une véritable coordination pédagogique, en affirmant notamment que 'l’équipe enseignante de Progress Sup travaille en collaboration avec celle de Madrid pour la préparation des examens'.

Les appelants soulignent par ailleurs que, s’agissant d’une formation en mode semi-présentiel, la partie présentielle est assumée quasi-exclusivement par la société Progress Sup.

Ils en concluent que l’intimée est associée à part entière à une formation d’audioprothésiste, même si le diplôme est finalement délivré par l’UEM, peu important que cette formation unique donne lieu à l’inscription simultanée dans les deux établissements.

A titre subsidiaire, à supposer même que la cour constate que les formations dispensées par l’UEM et par la société Progress Sup sont distinctes, l’UNSAF et le CNA font valoir que la formation dispensée par l’UEM ne respecte pas la réglementation espagnole, et notamment le real decreto n° 1687/2007 du 14 décembre 2007.

Ils considèrent, dans ces conditions, qu’en profitant de l’activité illégale de l’UEM au travers du partenariat exclusif qui lui confie la représentation et la promotion de cet établissement d’enseignement étranger en France, la société Progress Sup apporte sa tierce-complicité à une pratique illicite sur le territoire français.

Rappelant qu’il est de jurisprudence constante que le juge français qui reconnaît applicable un droit étranger doit en rechercher la teneur, soit d’office, soit à la demande de la partie qui l’invoque, et donner au litige une solution conforme à ce droit étranger, les appelants considèrent qu’il appartient à la cour de faire cesser le trouble illicite auquel concourt la société Progress Sup en appliquant le droit espagnol.

La société Progress Sup demande à la cour :

' à titre principal,

' de confirmer le jugement entrepris et débouter l’UNSAF et le CNA de l’ensemble de leurs demandes ;

' de condamner les appelants à une amende pour procédure abusive, en application de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

' de les condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette action abusive ;

' à titre subsidiaire,

' dire et juger que l’article L. 731-1 du code de l’éducation est contraire aux articles 3 et 21 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

' transmettre, le cas échéant, sans délai la question prioritaire de constitutionnalité présentée par mémoire joint et, en conséquence, surseoir à statuer dans le cadre de la présente instance ;

' en tout état de cause, condamner les appelants aux entiers dépens de la procédure d’appel, ainsi qu’au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la procédure, l’intimée soulève la caducité de l’autorisation d’assigner à jour fixe, au motif que n’était pas joints à l’assignation les pièces visées à l’article 920 du code de procédure civile.

Sur le fond, à titre principal, elle fait valoir qu’en tant qu’ils apportent des restrictions aux libertés fondamentales de l’enseignement supérieur et d’entreprendre, les articles L. 731-1 et suivants du code de l’éducation sont d’interprétation stricte.

A cet égard, elle souligne que la lecture de ces dispositions permet de constater que le législateur a effectué une distinction entre, d’une part, les 'cours et établissements d’enseignement supérieur privé' et, d’autre part, plus spécifiquement, les 'formations' qui peuvent être proposées par ces établissements ou dans le cadre des cours dispensés, seules ces dernières étant susceptibles d’être soumises à l’exigence d’agrément ministériel.

Elle reconnaît jouer, pour l’UEM, un rôle d’apporteur d’affaire, en promouvant, notamment auprès des professionnels français cherchant à se reconvertir, la formation d’audioprothésiste en mode semi-présentiel dispensée par cet établissement.

Elle soutient en revanche que le programme AudioPro qu’elle propose ne fait pas partie de la formation délivrée par l’UEM et sanctionnée par un diplôme espagnol d’audioprothésiste. Elle souligne que cette formation en mode semi-présentiel de l’UEM a préexisté à la mise en place du programme AudioPro et est suivie par des étudiants étrangers, dont certains sont français, sans intervention de sa part.

Elle explique qu’elle a mis en place le programme AudioPro pour répondre à un besoin formulé par plusieurs étudiants confrontés aux difficultés propres à la formation en mode semi-présentiel de l’UEM ; que ce programme n’est qu’une option envisageable, mais non nécessaire, offerte à ces étudiants ; qu’il s’agit d’un simple accompagnement, dans le cadre duquel les cours sont totalement distincts de la formation dispensée par l’UEM en mode semi-présentiel.

Elle affirme qu’il n’existe aucune coordination pédagogique ni aucun contact entre les enseignants de l’UEM et ceux de la société Progress Sup, hormis la précaution prise par la seconde de ne pas programmer de cours durant les week-ends consacrés aux études pratiques à Madrid. La société

progress Sup ne participerait ni à l’évaluation des étudiants inscrits à l’UEM ni à la validation du diplôme.

A titre subsidiaire, au cas où la cour interpréterait l’article L. 731-1 du code de l’éducation comme s’appliquant à un programme tel qu’AudioPro, la société Progress Sup conclut à l’inconstitutionnalité de cet article ainsi qu’à son inconventionnalité. Elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité par mémoire séparé.

MOTIFS

Sur la caducité de l’autorisation d’assigner à jour fixe

Aux termes de l’article 920 du code de procédure civile, en cas d’assignation à jour fixe, '[c]opies de la requête, de l’ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d’appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d’appel dans le cas mentionné au troisième alinéa de l’article 919, sont joints à l’assignation'.

Est irrecevable l’appel formé selon la procédure à jour fixe, lorsque, contrairement aux prescriptions de l’ article 920 du code de procédure civile, la copie de la requête, celle de l’ordonnance du premier président et celle de la déclaration d’appel ne sont pas jointes à l’assignation (2e Civ., 27 septembre 2018, pourvoi n° 17-21.833).

Mais, en l’espèce, le procès-verbal de signification de l’assignation à jour fixe, établi le 31 juillet 2019 par Me Larapidie, huissier de justice, mentionne que '[c]haque copie signifiée du présent acte a été dressée sur dix-sept feuilles'.

La cour constate que ce procès-verbal (une feuille), l’assignation à jour fixe, y compris le bordereau des pièces y annexé (dix feuilles, pour dix-neuf pages), la requête aux fins d’être autorisé à assigner à jour fixe (quatre feuilles, pour huit pages), l’ordonnance ayant autorisé à assigner à jour fixe (une feuille, pour une page), et l’avis de déclaration d’appel (une feuille, pour deux pages), représentent, ensemble, dix-sept feuillets.

La preuve est ainsi rapportée qu’étaient bien annexés à l’assignation à jour fixe l’ensemble des documents exigées par l’article 920 du code de procédure civile.

L’autorisation d’assigner à jour fixe n’est donc pas caduque et le présent appel est recevable.

Sur la réformation du jugement entreprise

En premier lieu, l’article L. 731-1 du code de l’éducation dispose :

'Tout Français ou tout ressortissant d’un autre Etat membre de la Communauté européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen, âgé de vingt-cinq ans, n’ayant encouru aucune des incapacités prévues par l’article L. 731-7, ainsi que les associations formées légalement dans un dessein d’enseignement supérieur, peuvent ouvrir librement des cours et des établissements d’enseignement supérieur, aux seules conditions prescrites par le présent titre.

Les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique et les formations paramédicales sont soumises à l’agrément conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé, dans les conditions fixées à l’article L. 731-6-1.

Outre les conditions prévues au premier alinéa, pour l’enseignement de la médecine, de la pharmacie, de l’odontologie et de la maïeutique, il faut justifier des conditions requises pour l’exercice des professions de médecin ou de pharmacien ou de chirurgien-dentiste ou de sage-femme.

Pour l’enseignement des formations paramédicales, il faut justifier des conditions requises pour l’exercice des professions paramédicales concernées.

Un décret en Conseil d’Etat détermine les modalités d’application du présent titre.'

L’article 731-6 du même code précise :

'Pour les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique et les formations paramédicales dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé, la déclaration mentionnée à l’article L. 731-4 doit également comporter :

1° Une convention entre l’établissement dispensant ces formations et un établissement de santé, approuvée par le ministre chargé de la santé, afin d’associer cet établissement de santé à la formation dispensée ;

2° Une convention entre l’établissement dispensant ces formations et une université comprenant une composante dispensant un enseignement de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique ;

3° Un dossier prouvant que l’établissement de formation satisfait aux modalités pédagogiques exigées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé.

Les modalités d’agrément sont précisées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé.'

Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 27 mai 2014 relatif aux modalités de l’agrément prévu à l’article L. 731-6-1 du code de l’éducation pour les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie, de maïeutique et les formations paramédicales dispensées au sein d’un établissement d’enseignement supérieur privé, l’agrément prévu à l’article L. 731-1 du code de l’éducation s’applique notamment aux formations paramédicales dans le domaine de l’audioprothèse.

L’article 2 du même arrêté précise que '[l]es formations mentionnées à l’article 1er conduisant à la délivrance d’un diplôme autre qu’un diplôme national de l’enseignement supérieur ou qu’un diplôme d’Etat français sont agréées, pour une durée maximum de cinq ans, par les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé'.

Il convient de distinguer entre l’activité de promotion de la formation en mode semi-présentiel de l’UEM, assurée en France par la société Progress Sup, et son activité d’enseignement dans le cadre du programme AudioPro.

L’intimée ne conteste pas jouer, au profit de l’UEM, le rôle d’ 'apporteur d’affaires', selon les termes employés par son conseil à l’audience. Toutefois, ce rôle, étranger à toute activité d’enseignement, ne fait pas l’objet du présent litige.

S’agissant du programme AudioPro, la cour souligne à titre liminaire que, si les documents commerciaux établis par la société Progress Sup pour promouvoir son programme AudioPro ont été légitimement exploités par les appelants aux fins de démontrer que l’intimé dispense une formation au sens de l’article L. 731-1 du code de l’éducation, cette dernière est en droit de démontrer que la réalité est différente de la présentation qu’elle a pu en faire pour des motifs commerciaux.

La cour constate que la formation dispensée par l’UEM, fût-ce par la mise à disposition des cours théoriques en ligne, constitue un enseignement complet, qui suffit à obtenir le diplôme espagnol d’audioprothésiste. En effet, la société Progress Sup a indiqué, sans être démentie par les appelants, qu’il était loisible à un étudiant, résidant en France ou dans un autre Etat, de s’inscrire à la formation

d’audioprothésiste de l’UEM selon le mode semi-présentiel sans s’inscrire en même temps à AudioPro. En tout état de cause, les appelants ne démontrent pas que l’UEM refuserait l’inscription d’un étudiant au motif qu’il ne s’est pas inscrit au programme AudioPro.

Dans ce contexte, c’est à juste titre que la société Progress Sup fait valoir que les cours qu’elle-même assure dans le cadre du programme AudioPro s’analysent comme des cours de soutien, et non comme un élément d’une formation diplômante.

A cet égard, la présente espèce est très différente de l’affaire ayant donné lieu à la jurisprudence 'CLESI’ (CA Aix, arrêt du 27 septembre 2016, n° RG 14/05102, confirmé par 1re Civ., 6 décembre 2017, pourvoi n° 16-27.276), invoquée par les appelants, dans laquelle les deux premières années d’un cursus diplômant de cinq ans (master 2) était assurées par l’établissement français d’enseignement en cause, et les trois dernières années par une université portugaise.

C’est en vain que les appelants font valoir que les articles L. 731-1 et suivants du code de l’éducation ne font pas échapper les cours de soutien à l’obligation d’un agrément ministériel, dans la mesure où des cours de soutien, fût-ce à destination d’étudiants inscrits dans une formation paramédicale, au sens de l’article L. 731-1 précité, ne constituent pas, en eux-même une telle formation. En effet, l’exigence d’agrément ministériel vise à s’assurer de la qualité de la formation des professionnels de santé, afin de garantir la qualité des soins et l’intérêt général des patients. Or une telle nécessité ne se rencontre pas s’agissant de cours de soutien facultatifs que peuvent vouloir suivre des étudiants inscrits dans une formation par elle-même complète. C’est ainsi que, si un établissement d’enseignement dispensait des cours de soutien à des étudiants inscrits dans une formation délivrée par un autre établissement d’enseignement disposant déjà d’un agrément ministériel, il serait absurde d’exiger également du premier un tel agrément.

Les liens qui peuvent exister entre l’UEM et la société Progress Sup ne sont pas de nature à infirmer le constat que la seconde ne dispense que des cours de soutien. Rien dans le dossier ne permet de constater que la société Progress Sup est associée aux choix pédagogiques de l’UEM et intervient dans la détermination des contenus des cours théoriques et pratiques dispensés par cet établissement d’enseignement, quand bien même son rôle d’apporteur d’affaire implique de nécessaires contacts entre ces deux établissements. Mieux encore, rien ne permet d’affirmer que les cours dispensés, un jour par semaine, dans les locaux de Progress Santé, sont considérés par l’UEM comme partie intrinsèque de la formation, alors que, ainsi que la cour l’a déjà relevé, des étudiants peuvent suivre la formation proposée par cet établissement d’enseignement en mode semi-présentiel sans être inscrit à AudioPro.

Il est vrai que les documents commerciaux établis par la société Progress Sup tendent à confondre la formation délivrée par l’UEM ('formation théorique et pratique de 18 mois') et les cours dispensés par l’intimée ('Renforcement en espagnol selon le niveau' ; 'Cours d’accompagnement théorique : une journée par semaine à Progress Santé, […]'). Ces approximations promotionnelles ne sauraient toutefois prévaloir sur la réalité des faits.

En conséquence, la société Progress Sup peut proposer son programme AudioPro sans avoir à demander un agrément ministériel.

En second lieu, il n’appartient pas à la cour, dans le cadre du présent litige, d’apprécier si la formation dispensée, en Espagne, par un établissement d’enseignement espagnol et conduisant à l’obtention d’un diplôme espagnol, respecte la réglementation de cet Etat, nonobstant le fait que la reconnaissance d’un tel diplôme par les autres Etats membres est susceptible d’intervenir en vertu du droit de l’Union. Certes, en l’espèce, les étudiants, inscrits en mode semi-présentiel, vivent en France et ne se rendent en Espagne que pour suivre un nombre limité d’heures de formation pratique. Mais une telle situation, rendue possible par internet et le développement des plateformes de cours en ligne, ne remet pas en cause le constat que cette formation est effectivement dispensée en Espagne,

et non en France.

Au demeurant, à supposer qu’il puisse être de la compétence de la cour d’examiner la conformité au droit espagnol de la formation dispensée en mode semi-présentiel par l’UEM, un éventuel constat d’illicéité serait sans incidence sur l’issue du litige qui oppose les appelants à la société Progress Sup, dès lors qu’une personne qui dispense des cours de soutien à des étudiants inscrits dans une formation diplômante proposée par un établissement d’enseignement, n’est pas responsable des violations du droit que peut commettre ce dernier.

Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive

Bien que les appelants succombent, leur appel n’apparaît pas abusif. Il n’y a donc pas lieu de prononcer une amende civile et la demande de l’intimée en dommages-intérêts sera rejetée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

L’UNSAF et le CNA seront condamnés in solidum aux entiers dépens de la procédure d’appel, ainsi qu’à la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

DIT n’y avoir lieu au prononcé d’une amende civile pour procédure abusive ;

DÉBOUTE la société Progress Sup de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE le syndicat UNSAF ' Syndicat national des audioprothésistes et l’Association Collège national d’audioprothèse in solidum à payer à la société Progress Sup la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

LES CONDAMNE in solidum aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 23 août 2019, n° 19/13434