Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 1, 19 septembre 2017, n° 16/05727

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Chronologie de l’affaire

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Lettre des Réseaux · 10 mai 2024

LMR #117 : Les pratiques commerciales trompeuses Une pratique commerciale trompeuse est une pratique commerciale déloyale exercée par un professionnel ; contraire aux exigences de la diligence professionnelle, elle altère ou est susceptible d'altérer le comportement économique du consommateur (Article L.121-1 C. consom). En droit européen comme en droit national, il existe une liste de pratiques commerciales présumées irréfragablement trompeuses (Annexe I de la directive 2005/29 du 11 mai 2005 ; Article L.121-4 C. consom). La pratique commerciale trompeuse peut résulter d'une action …

 

Gouache Avocats · 2 mars 2022

Lorsqu' un concurrent ne respecte pas une disposition légale ou règlementaire, cela lui assure un avantage concurrentiel, et le place dans une position plus favorable par rapport à l'opérateur qui respecte la réglementation. En pareille circonstance, il est possible d'agir contres ses agissements déloyaux et mette fin à cette distorsion de concurrence. Fondée sur l'article 1240 du Code civil, l'action en concurrence déloyale permet d'obtenir de l'auteur d'une faute commise dans l'exercice de son activité économique, la réparation des préjudices que sa déloyauté a causés à un autre agent …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 1, 19 sept. 2017, n° 16/05727
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/05727
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 28 février 2016, N° 2014014668
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2017

(n° 181/2017, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/05727

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Février 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2014014668

APPELANTE

La société CRISTAL DE PARIS, S.A.,

immatriculée au RCS de SARREGUEMINES sous le n° 320 402 803,

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Evguenia DEREVIANKINE de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261

INTIMÉE

La société CRISTALLERIE DE MONTBRONN SAS,

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro 309 856 7488

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

Assistée de Me François GREFFE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0617

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 Juin 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Benjamin RAJBAUT, Président de chambre

Monsieur David PEYRON, Président de chambre

Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur David PEYRON, président en remplacement de Monsieur Benjamin RAJBAUT, président empêché, et par Mme Karine ABELKALON, greffier.

***

Considérant que la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN, constituée en 1977, dont le siège social se trouve [Adresse 2], a pour activité la création et la fabrication de produits des arts de la table en cristal tels que des verres, des vases, ainsi que des modèles décoratifs en cristal ;

Qu’elle indique que depuis plus de vingt ans, elle se heurte aux pratiques commerciales trompeuses de la société CRISTAL DE PARIS qui a pour enseigne 'CRISTALLERIES DE LORRAINE', dont le siège se trouve [Adresse 1], laquelle, commercialisant des produits en cristal fabriqués, taillés et polis en Chine et en Europe de l’Est sans disposer en France d’un véritable atelier de fabrication, ainsi que des produits en verre, cristallin et luxion, de première part, présenterait dans ses catalogues des produits en verre, en cristallin ou en luxion, mélangés avec des produits en cristal, laissant ainsi croire que l’ensemble serait en cristal, de deuxième part, les présenterait comme étant 'Made in France', de troisième part, se présenterait elle-même comme 'un haut lieu du verre taillé en Lorraine', comme 'spécialiste de la taille', et se vanterait de 'la grande technicité de ses tailleurs’ ;

Qu’après avoir fait procéder :

le 26 mars 2013 à un constat d’achat à la [Adresse 3],

le 3 avril 2013 à un constat sur le site internet de la société CRISTAL DE PARIS,

le 11 décembre 2013, sur ordonnance sur requête, à un constat au siège de la société CRISTAL DE PARIS, permettant notamment la remise de factures fournisseurs,

puis à des recherches auprès de ces fournisseurs, afin de déterminer notamment si ceux-ci livraient ou non des produits finis, en verre ou en cristal,

elle a fait citer le 27 février 2014 la société CRISTAL DE PARIS pour concurrence déloyale par pratique commerciale trompeuse ;

Que la défenderesse, qui a largement contesté les faits en première instance, s’est elle-même portée demanderesse reconventionnelle pour concurrence déloyale et dénigrement, sollicitant notamment la somme de 651.120,50 euros au titre des actes de concurrence déloyale et celle de 75.000 euros au titre des pratiques commerciales trompeuses ;

Que la société CRISTAL DE PARIS a interjeté appel du jugement contradictoire rendu le 26 février 2016 par le Tribunal de commerce de Paris qui a

Débouté la SA Cristal de Paris de ses demandes d’irrecevabilité ;

Débouté la SARL Cristallerie de MONTBRONN de ses demandes d’interdiction et de suppression ;

Débouté la SA CRISTAL DE PARIS de sa demande de voir écarter des débats un certain nombre de pièces ;

Condamné la société SA CRISTAL DE PARIS à verser à la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN la somme de 300.000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale par pratique commerciale trompeuse et tromperie ;

Condamné la SA CRISTAL DE PARIS à payer à la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné l’exécution provisoire, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

Dit les parties mal fondées pour leurs demandes plus amples ou autres, et les en a déboutées ;

Condamné la SA CRISTAL DE PARIS aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés de la somme de 82,44€ dont 13,52€ de TVA ;

Que dans ses dernières conclusions du 10 avril 2017, la société CRISTAL DE PARIS demande à la Cour de :

INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 26 février 2016 en ce qu’il a :

condamné la société CRISTAL DE PARIS à payer à la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN la somme de 300 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice que cette dernière a prétendu avoir subi du fait de la première ;

condamné la société CRISTAL DE PARIS à payer à la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN 15 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

débouté la société CRISTAL DE PARIS de ses demandes d’indemnisation portées à l’encontre de la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN ;

CONSTATER que la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN n’a pas intérêt à agir à l’encontre de la société CRISTAL DE PARIS en concurrence déloyale et la débouter, de ce fait, de l’ensemble de ses demandes, fins, conclusions et de son appel incident ;

DECLARER la société CRISTAL DE PARIS recevable à agir en condamnation de la CRISTALLERIE DE MONTBRONN pour les faits de concurrence déloyale par dénigrement ;

CONDAMNER la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN à payer à la société CRISTAL DE PARIS la somme de 890 473.83 euros en compensation de la marge qu’elle a perdu depuis 2013 et jusqu’au 30 juin 2016 (date de clôture du dernier compte de résultat disponible) en raison de l’image dégradée du fait du dénigrement opéré par la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN ;

CONDAMNER la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN à payer à la société CRISTAL DE PARIS la somme de 800 000 euros en compensation de la marge qu’elle a perdue depuis le 30 juin 2016 (date de clôture du dernier compte de résultat disponible) et qu’elle perdra encore au cours des années à venir en raison de l’image dégradée du fait du dénigrement opéré par la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN ;

INTERDIRE à la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN de communiquer de quelque manière que ce soit sur la société CRISTAL DE PARIS ;

INTERDIRE à la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN de marquer ses produits par le mot « France » et de communiquer sur la fabrication prétendument française de ses produits sans avoir préalablement justifié, produit par produit, de cette origine française en application des « règles primaires » de la position 70.13 et sous le contrôle d’un expert-comptable et d’un huissier ;

ORDONNER la publication du dispositif de l’arrêt à intervenir dans 6 journaux ou revues au choix de la société CRISTAL DE PARIS et aux frais de la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN, sans que le coût de chaque publication dépasse la somme de 6 000 euros HT ;

CONDAMNER la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN à payer à la société CRISTAL DE PARIS la somme de 105 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES.

Que dans ses dernières conclusions du 22 avril 2017, la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN demande à la Cour de :

DEBOUTER la société CRISTAL DE PARIS de sa demande reconventionnelle et de son appel incident.

CONSTATER que la société CRISTAL DE PARIS reconnaît les faits de concurrence déloyale qui lui sont imputés ; DIRE ET JUGER en conséquence que la société CRISTAL DE PARIS s’est livrée et se livre au préjudice de la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN à des faits de concurrence déloyale par « pratique commerciale trompeuse et tromperie »

CONFIRMER en conséquence le jugement du 29 février 2016 en ce qu’il a dit et jugé que la société CRISTAL DE PARIS s’était livrée au préjudice de la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN à des actes de concurrence déloyale par pratique commerciale trompeuse et tromperie.

CONSTATER que l’action diligentée par la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN est recevable, et DIRE ET JUGER qu’il est singulier, comme le fait la société CRISTAL DE PARIS, de reconnaître ses agissements, de soutenir que la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN commettrait les mêmes agissements et contradictoire de demander au Tribunal de dire et juger que seule son action serait recevable

DIRE ET JUGER au surplus que cette demande formulée pour la première fois en cause d’appel est irrecevable

CONSTATER que la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN importe des produits bruts et effectue notamment le travail de la taille représentant plus de 25 % de sa masse salariale,

et CONSTATER que la société CRISTAL DE PARIS ne produit aucune pièce émanant de la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN et démontrant que cette dernière utiliserait le qualificatif « Made in France »

CONSTATER en effet que la société CRISTAL DE PARIS à l’appui de ses demandes invoque la plaquette éditée en 2009 par « Terre de Luxe » et un exemplaire du journal L’EXPRESS

DIRE ET JUGER en conséquence et notamment qu’il est vain et inutile de définir les conditions permettant l’usage du qualificatif « Made in France » dans la mesure où la société CRISTAL DE PARIS reconnaît qu’elle a utilisé en infraction avec la réglementation, ce qualificatif, et dans la mesure où la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN ainsi qu’il est démontré, n’a pas enfreint cette réglementation

CONSTATER que le Tribunal a condamné CRISTAL DE PARIS à la somme de 300.000 € par référence à la seule année 2013

DIRE ET JUGER qu’il convient de prendre en considération trois années et de CONDAMNER en conséquence la société CRISTAL DE PARIS à la somme de 1.000.000 € de dommages et intérêts en réparation de ses agissements de concurrence déloyale

INTERDIRE en outre à la société CRISTAL DE PARIS l’utilisation de la dénomination « Cristal de Paris » qui constitue une fausse indication de provenance et ce sous astreinte de 200 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir

CONDAMNER en outre la société CRISTAL DE PARIS au paiement de la somme de 200.000 € en réparation du trouble commercial qu’elle a causé à la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN

ORDONNER la publication de l’arrêt à intervenir dans 5 journaux, aux frais de la société CRISTAL DE PARIS, et fixer le coût de chacune de ces publications à la somme de 10.000 € H.T.

CONDAMNER la société CRISTAL DE PARIS au paiement de la somme de 30.000 € au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pascale FLAURAUD, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC ;

Que l’ordonnance de clôture est du 16 mai 2017 ;

SUR CE

I – Sur les demandes principales

Considérant qu’une pratique commerciale est trompeuse lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, notamment ses qualités substantielles, sa composition et son origine ; que lorsque, contraire aux exigences de la diligence professionnelle, elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, elle constitue aussi un acte de concurrence déloyale à l’égard des entreprises concurrentes ;

Considérant que pour condamner la société SA CRISTAL DE PARIS à verser à la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN la somme de 300.000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale par pratique commerciale trompeuse, le premier juge a considéré :

que la SA CRISTAL DE PARIS, dans ses catalogues et pages internet, présentait l’ensemble de ses produits sans faire la distinction entre les produits en cristal et ceux en cristallin, verre ou Iuxion, de qualités bien inférieures ;

qu’elle se présentait sur son site internet avec la mention « Cristal de [Localité 1], le savoir-faire 'Made in France" et la présence d’un logo « Sélection -M. F. – Cristal de [Localité 1] '', M. F. signifiant « Made in France » ;

que nulle part n’était mentionnée sur ses catalogues la nature réelle des produits vendus (cristal, cristallin, verre ou luxion) mais que, au contraire, le titre du catalogue était CRISTAL DE PARIS avec parfois I’apposition du logo précité en page de couverture ;

qu’au vu des factures remises et des échanges d’e-mails entre cette société et ses fournisseurs, il était avéré que la quasi totalité des produits mentionnés avait été livrée en produits finis, c’est-à-dire taillés et polissés ; que cette analyse était corroborée (i), par les seulement 6 mois/homme de travail de taille constaté en 2013 au sein de la SA CRISTAL DE PARIS et (ii) par la faible quantité d’achat d’acide nécessaire au polissage comparée à celle achetée par la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN, soit près de 15 fois moins d’acide consommé pour un chiffre d’affaires 2,6 fois supérieur ; que l’éventuelle différence de procédé de polissage entre les deux sociétés ne pouvait en aucun cas expliquer une telle différence ;

que pour cette part significative de Ia production de la SA CRISTAL DE PARIS importée et vendue telle quelle sans aucune valeur ajoutée, l’apposition du label Made in France était totalement usurpée ;

que la SA CRISTAL DE PARIS importait la totalité de son cristal, n’ayant aucun four à sa disposition dans son atelier,

qu’en conséquence (i) l’usage du label « Made In France » par la SA CRISTAL DE PARIS était trompeur, (ii) la présentation sans distinction des matières de l’ensemble de ses produits sous l’appellation « CRISTAL DE PARIS » était également de nature à tromper le consommateur et (iii) l’ensemble des mentions figurant sur son site Intemet (savoir-faire Made in France, spécialiste de la taille, haut lieu du verre taillé et grande technicité de ses produits) était inapproprié et tout aussi trompeur ;

que ces agissements commerciaux trompeurs portaient préjudice directement à la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN qui emploie huit tailleurs là où la SA CRISTAL DE PARIS n’en emploie que deux pour l’équivalent d’un mi-temps ; que la tromperie sur la taille made in France permettait à la SA CRISTAL DE PARIS d’avoir des prix de revient beaucoup plus bas que ceux de la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN ;

que la somme de 300.000 euros était de nature à compenser la différence de prix de revient entre les deux sociétés ;

Considérant que pour demander l’infirmation du jugement de ce chef, la société CRISTAL DE PARIS fait valoir, de première part, que la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN, qui elle-même serait l’auteur de pratiques commerciales trompeuses sur l’origine française de ses propres produits, ne serait pas recevable à agir contre elle du chef de concurrence déloyale ; de deuxième part, que les pratiques commerciales trompeuses qui lui sont imputées ne seraient pas établies ; que ses produits en cristallin, verre ou luxion, auraient été systématiquement marqués comme tels ; que les initiales M. F., figurant sur la marque semi-figurative qu’elle possède depuis le 23 juin 1987, seraient les initiales du fondateur, [P] [P], et ne signifieraient pas Made In France ; que ses catalogues, 'mélangeant’ les produits en cristallin, verre ou luxion avec les produits en cristal, auraient été adressés uniquement aux professionnels qui feraient aisément la différence entre les deux ; que les trois produits portant l’apposition des mots France et Made in France auraient pu prétendre au marquage de l’origine France ; de troisième part, que la somme allouée à titre de dommages et intérêts serait dénuée de toute pièce justificative ;

Que la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN, pour l’essentiel, demande la confirmation du jugement pour les motifs qu’il contient ; qu’elle demande son infirmation partielle, sollicitant que les dommages et intérêts soient portés à une somme de 1 000 000 €, qu’il soit ajouté une somme de 200 000 € au titre du trouble commercial, outre l’interdiction de la dénomination de la dénomination Cristal de Paris qui constituerait une fausse indication de provenance et la publication de l’arrêt dans cinq journaux ;

Considérant, ceci étant exposé, en ce qui concerne les pratiques commerciales trompeuses sur la composition des produits, que les catalogues janvier 2010, 2010-2011 et septembre 2011 de la société CRISTAL DE PARIS sont publiés sous la dénomination CRISTAL DE PARIS ; que les deux derniers comportent en page introductive un texte en cinq langues dont le français : En réunissant sous sa bannière les pièces en cristal soufflé bouche et taillé main et les grands classiques indémodables, Cristal de [Localité 1], haut lieu du verre taillé en Lorraine, décline désormais l’éventail complet en cristal de table et de la décoration (…) ; que les pages de ces catalogues (89 pour le premier, 81 pour le deuxième, 77 pour le troisième) présentent les photographies de l’ensemble des produits ainsi commercialisés, regroupés par thèmes et modèles ; que, sans que la société appelante le dénie dans ses conclusions, il résulte des recherches effectuées auprès des fournisseurs de la société CRISTAL DE PARIS que les produits émanant de la société STILL GLASS, présentés notamment en pages 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 du catalogue septembre 2011, sont en verre ; que les produits RCR, présentés notamment en pages 16, 17, 18, 20, 54 et 58 du catalogue janvier 2010, sont principalement en luxion ; que les produits de la société RONA sont en cristallin ; que les bouchons de la société SOUTH PORT GLASS sont en verre ; que les cendriers, bougeoirs et flacons de parfum de la société PUJIANG ne sont pas en cristal ; qu’ainsi, il est établi, sans que la société CRISTAL DE PARIS le conteste, qu’une grande partie des produits présentés dans ses catalogues, plus de 40% selon la société intimée, ne sont pas en cristal mais en verre, luxion ou cristallin ; qu’alors, d’une part, que la dénomination et le texte introductif de ces catalogues indiquent que les produits qui y sont présentés sont en cristal, d’autre part, qu’aucune mention ne permet de savoir qu’une partie d’entre-eux sont en verre, luxion ou cristallin, les pratiques commerciales trompeuses sur la composition des produits sont ainsi suffisamment établies ; qu’il sera précisé, de première part, que la circonstance qu’un produit photographié à l’occasion du constat d’huissier du 11 décembre 2013 comporte une étiquette comportant la mention verre véritable soufflé bouche n’enlève pas le caractère trompeur des catalogues ; de seconde part, que rien ne justifie que ceux-ci auraient été exclusivement destinés à des professionnels, lesquels, au demeurant, auraient eux aussi du être exactement informés sur la composition des produits vendus afin de pouvoir en éclairer utilement les consommateurs finaux ;

Considérant, en ce qui concerne les pratiques commerciales trompeuses sur l’origine et les qualités substantielles des produits, qu’il ressort du constat d’huissier pratiqué le 3 avril 2013 qu’à cette date la recherche sur Google des termes Cristal de [Localité 1] conduisait notamment au lien Cristal de [Localité 1], le savoir faire 'Made in France’ ; que le clic sur ce lien conduisait à une page, sous le logo Cristal de Paris, comportant le titre Cristal de Paris, le Savoir Faire 'Made in France', avec le même texte que ci-dessus examiné pour les catalogues En réunissant sous sa bannière les pièces en cristal soufflé bouche et taillé main et les grands classiques indémodables, Cristal de Paris, haut lieu du verre taillé en Lorraine, décline désormais l’éventail complet en cristal de table et de la décoration. Spécialiste de la taille et de la décoration, CRISTAL DE PARIS emploie plus de 20 salariés, réalise plus de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires et exporte 40% de sa production vers le moyen orient, la Russie et l’Asie. Sa spécialité, la verrerie couleur, soufflée bouche et taillée main, a permis à la marque, fondée en 1970 par [P] [P], de se faire un nom dans le monde très select de la cristallerie. L’acquisition en 2001 de la dernière ligne de polissage, la grande qualité de ses tailleurs et le rachat en 2000 du nom commercial, Cristalleries de Lorraine – qui appartenait à Lalique – ont propulsé CRISTAL DE PARIS dans la cour des grands ; que cependant, sans que l’appelante le dénie non plus dans ses conclusions, il ressort des recherches effectuées auprès de ses fournisseurs, que la société roumaine STILL GLASS, la société slovaque RONA, la société RCR italienne, la société chinoise PUJIANG et la société polonaise ZAWIERCIE ne fabriquent que des produits finis, c’est-à-dire taillés et polissés ; qu’à juste titre, le tribunal a ajouté que cette analyse était corroborée (i), par les seulement 6 mois/homme de travail de taille constaté en 2013 au sein de la SA CRISTAL DE PARIS et (ii) par la faible quantité d’achat d’acide nécessaire au polissage comparée à celle achetée par la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN, soit près de 15 fois moins d’acide consommé pour un chiffre d’affaires 2,6 fois supérieur, alors que l’éventuelle différence de procédé de polissage entre les deux sociétés ne pouvait en aucun cas expliquer une telle différence ; qu’il a encore exactement observé que la SA CRISTAL DE PARIS importait la totalité de son cristal, n’ayant aucun four à sa disposition dans son atelier ; qu’ainsi, en laissant accroire sur son site internet et dans ses catalogues qu’elle avait un savoir faire 'Made in France', que réunissant sous sa bannière les pièces cristal soufflé bouche et taillé main, elle était un 'haut lieu du verre taillé en Lorraine', alors que les produits qu’elle commercialisait étaient achetés, pour une grande part, finis à l’étranger, sans aucune plus value de sa part, la société CRISTAL DE PARIS a encore accompli des pratiques commerciales trompeuses sur l’origine et les qualités substantielles de ces produits ; qu’il importe peu, au regard des éléments qui précèdent et qui sont suffisants, d’une part, que les initiales M. F., figurant sur la marque semi-figurative qu’elle possède depuis le 23 juin 1987, seraient les initiales du fondateur, [P] [P], et ne signifieraient pas Made In France, d’autre part, que trois produits saisis portant l’apposition des mots France et Made in France auraient pu prétendre, pour ce qui les concerne, au marquage de l’origine France ;

Considérant que ces pratiques commerciales, de nature à tromper le consommateur moyen sur la composition en cristal et la fabrication en France de produits qui sont en réalité pour une grande partie en cristallin, verre ou luxion, et achetés finis à l’étranger, sont à l’évidence de susceptibles d’altérer de manière substantielle son comportement ;

Considérant que pour soutenir qu’il n’y aurait pas en l’espèce concurrence déloyale au préjudice de la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN et que celle-ci serait irrecevable à l’alléguer, la société CRISTAL DE PARIS fait valoir que cette concurrente serait elle-même l’auteur de pratiques commerciales trompeuses sur l’origine de ses propres produits ; qu’ainsi elle écrit dans son assignation du 27 février 2014 que les modèles de la cristallerie de [Localité 2] sont 'made in France’ et bénéficient de la mention 'Made in France’ ; que son dirigeant, interviewé dans un article de l’Express publié le 10 juillet 2013, déclare que [nos] produits sont étiquetés made in France, dans le Monde de l’artisan, [notre publicité] évoque volontairement la France ; qu’elle appose sur ses produits une étiquette ainsi qu’un sceau indélébile Cristallerie de [Localité 2] – France, ainsi que d’un certificat assurant qu’il s’agit du résultat d’un geste authentique et précieux des maîtres verriers français ; que ses produits apparaissent sur un catalogue de l’association 'Lorraine Terre de Luxe ou sur des sites coin-fr.com ou luxury-made-in-France.fr comme affichant le label Origine France Garantie, alors qu’elle ne possède pas de four permettant de fabriquer le cristal brut qu’elle achète dans différentes usines en Europe, se bornant à importer les objets de verrerie quasi-finis de l’étranger qu’elle taille, polit ou fait décorer ;

Mais considérant, de première part, que nonobstant les termes maladroits de l’assignation du 27 février 2014 ou ceux retranscrits par un journaliste de l’Express, aucun modèle ni même aucun document émanant de la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN ne comporte une mention Made in France ; de deuxième part, que les termes Origine France Garantie pouvant apparaître sur un catalogue ou sur des sites sont extérieurs à l’entreprise intimée, ce que celle-ci affirme sans être démentie ; de troisième part enfin, que l’apposition sur les produits de la mention Cristallerie de [Localité 2] – France ne fait qu’attester de l’origine de l’entreprise elle-même, cependant que la certification d’un geste authentique et précieux des maîtres verriers français n’est pas trompeur dès lors qu’il est acquis qu’elle taille, polit et fait décorer les objets de verrerie bruts qu’elle achète à l’étranger ;

Considérant, sur le préjudice, qu’il est manifeste qu’en trompant le consommateur sur la composition, l’origine et les qualités substantielles des produits vendus, la société CRISTAL DE PARIS s’est assuré un avantage concurrentiel au préjudice de la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN ; qu’à juste titre le tribunal a pris en considération le fait qu’en achetant ses produits à l’étranger pour une taille représentant 10% de son chiffre d’affaires de 5 000 000 €, alors qu’il est de 25% de 2 000 000 € pour la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN, le préjudice subi par cette dernière peut être évalué à la somme de 300 000 € ; que rien ne justifie en revanche qu’il soit porté à une somme supérieure ;

Considérant, alors que la société appelante utilise la dénomination 'Cristal de Paris’ depuis de très nombreuses années, et que la société intimée l’a toléré sans réaction jusqu’à la présente procédure, cette dernière ne justifie d’aucun préjudice qui résulterait d’une fausse indication de provenance sur ce point et sera déboutée de ses demandes afférentes, d’interdiction ou de trouble commercial ;

Qu’il n’est pas non plus justifié de la nécessité d’une mesure de publication ;

Que le jugement sera dès lors confirmé ;

II – Sur les demandes reconventionnelles

Considérant que pour débouter la société CRISTAL DE PARIS de ses demandes reconventionnelles en première instance, le tribunal a considéré :

1 – sur le fait que la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN qui se prévaudrait de la qualité de fabriquant français préciserait que ces produits sont réalisés exclusivement à la main, alors même qu’elle sous-traiterait sa décoration à l’or ; que la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN, bien que qualifiée de « EPV '' (Entreprise du Patrimoine Vivant) ne fait pas usage du label « Made in France » au contraire dela SA CRISTAL DE PARIS qui le ferait à tort ;

que la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN, qui vend très majoritairement du cristal qu’elle ne s’est jamais cachée d’importer à l’état brut, justifie, sans être démentie, assurer elle-même tant la taille que le polissage ; que peu importe qu’elle en sous-traite la décoration à I’or, celle-ci étant assurée à la main chez son sous-traitant ;

2 – sur le fait que la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN aurait favorisé la communication d’articles de presse la concernant auprès de tiers ; que si ces articles étaient infondés et malveillants à son sujet, il appartenait à la SA CRISTAL DE PARIS d’en demander la rectification par un droit de réponse ou d’en attaquer les auteurs pour diffamation, ce qu’elle ne justifie aucunement ; qu’au surplus la SA CRISTAL DE PARIS ne rapporte pas la preuve que la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN soit à l’origine des informations parues dans la

presse magazine et qu’elIe qualifie de dénigrement ; que les informations parues s’avèrent fondées ;

3 – sur les opérations de constat auxquelles a fait procéder la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN, et l’exploitation illicite des informations ainsi obtenues ; que ce constat a été obtenu par ordonnance judiciaire et que la SARL CRISTALLERIE DE MONTBRONN n’en a fait aucun autre usage que ceux auxquels elle était autorisée ;

4 – sur la réservation frauduleuse du nom de domaine cristaldeparis.eu de la part de la SARL CRlSTALLERIE DE MONTBRONN, qu’il n’est pas contesté que celle-ci n’en a fait aucun usage et qu’elle en a annulé le dépôt à la première demande qui lui en a été faite ;

Que la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN demande la confirmation du jugement pour les motifs qu’il contient et ceux repris ci-après ;

Qu’en cause d’appel, la société CRISTAL DE PARIS ne reprend que les faits de dénigrement, recevables comme déjà examinés en première instance ou en formant la suite ou le complément ; qu’elle allègue un plan 'machiavélique’ consistant à avoir :

fait procéder à des constats d’huissier,

les avoir dénoncés à la DGCCRF,

contacté les journalistes de l’Express qui a publié un article le 10 juillet 2013,

utilisé cet article pour obtenir du président de [Localité 3] une mesure de constat,

entamé une campagne de dénigrement dans la presse,

envoyé des courriers dénigrants contenant une copie de l’article de l’Express à des confrères, écoles, syndicats et clients ;

Mais considérant qu’il ne peut être reproché à la société intimée d’avoir usé de voies de droit pour établir des faits de concurrence déloyale dont la cour estime qu’ils sont avérés ; que rien ne permet d’établir que la société intimée serait à l’origine de l’enquête menée puis de l’article rédigé par un journaliste de l’Express, lequel traite du sujet du 'made in France’ dans des domaines multiples et pas seulement celui de la cristallerie ; que la société CRISTALLERIE DE MONTBRONN n’est pas non plus démentie lorsqu’elle affirme être étrangère aux autres articles de journaux ou sites internet cités par l’appelante ; que le seul fait d’adresser une copie de l’article de l’Express pour information à des interlocuteurs pour faire l’éloge de sa propre société n’est pas par lui-même un acte fautif et dénigrant ;

Que dans ces conditions la société CRISTAL DE PARIS sera déboutée de ses demandes reconventionnelles et le jugement confirmé ;

III – Sur les frais et dépens

Considérant que la société CRISTAL DE PARIS succombant, le jugement sera encore confirmé ;

Qu’ajoutant, la cour la condamnera aux dépens d’appel et ainsi qu’il est dit au dispositif en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Ajoutant, au titre des frais et dépens en cause d’appel,

CONDAMNE la société CRISTAL DE PARIS au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pascale FLAURAUD, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 1, 19 septembre 2017, n° 16/05727